Voici la première strophe, un quatrain du poème sur l’histoire du monde tel qu’on le connaît.

Il y a bien des lunes, l’on raconte qu’un homme aurait séduit une déesse. Un mortel, pourvu de qualités simples à première vue. Bravoure, audace, passion. La divinité, fascinée par cet être, se manifesta à lui en lui offrant le don de magie. Son corps de chair fut baigné de lumière et il vint à la vie sous ses nouveaux aspects, enchanté par le miracle qui naquit d’un amour à sens unique.

Ce premier homme pourvu d’un pouvoir, avare de puissance et de domination, le mit immédiatement à contribution pour asseoir son autorité. Il n’avait courtisé que par intérêt. La déesse au cœur pur, brisée dans sa désillusion, se retira alors de la surface de la terre pour pleurer son éternel chagrin. L’homme, lui, sévit.

Il fit régner à lui seul le chaos et d’autres dieux, alarmés par les prières de leurs fidèles rescapés des nombreux massacres, décidèrent de prendre les choses en main. Hélas, aucun d’entre eux ne fut en mesure de sceller le pouvoir, si pur et imprégné de grâce, dont fit don Azure au diable. Ils prirent donc la décision de bénir d’autres humains pour arrêter le premier. Ne pouvant interférer directement avec les vivants, ils n’eurent d’autre choix que de faire grâce des éléments à leurs plus fidèles dévots. Mais bien loin de comprendre le cœur des hommes, ils virent leurs élus agir, eux aussi aveuglés par le pouvoir. Tous ne furent pas mauvais. Tous ne furent pas bons. Et progressivement, la magie, gagnée par une minorité, finit par imprégner de façon indélébile le sol foulé par le commun ignare et mortel.

L’espèce humaine eut tôt fait de s’auto-détruire. Les dieux, navrés et désespérés, entamèrent une dernière manœuvre qui transgressa d’un commun accord leur vœu de neutralité. Ils maudirent cette espèce à l’apocalypse. Une vie de rage et une mort d’errance. Condamnés dès leur premier contact avec la magie souillée de sang, les morts se levèrent de nouveau pour grossir leurs rangs à chaque nouvelle attaque. Ceux qui surent rester libre de cette emprise maléfique et fidèles à leurs dieux furent envoyés dans un nouveau monde. Un plan parallèle où ils durent repartir de zéro et rééquilibrer la balance entre bien et mal. Deux faces d’une même pièce dont l’une est condamnée.

Un monde de technologie à l’abandon, de végétation envahissante, de tours de granit, de pétrole affiné et d’armes rouillées.

Un monde de magie florissante, de châteaux et places fortes, de créatures magiques et d’aventures épiques.

Cependant, même plusieurs millions d’années plus tard, un lien existe toujours entre les deux. Les Spectres, des serpents volants, squelettiques et composés exclusivement d’une magie blanche éthérique, sont suspectés d’être le moyen de transport entre ces deux dimensions. Se fichant éperdument de la matière, ils sont insaisissables et nul ne comprend leurs motifs. Mais la rareté de ces créatures en font un phénomène toujours inexpliqué, sous la rumeur qu’ils seraient en réalité la rancune des défunts de l’ancien monde ...